« Tu sais ce que tu fiches ici, Grayson ? » Je souris en hochant la tête. Une bonne centaine de suppositions idiotes se cognent aux parois de mon esprit. Une bonne dizaine de répliques salaces frôlent mes lèvres. Je me retiens tout de même ; au cas où il aurait une soudaine envie de profiter des menottes qu'il a enfilé à mes poignets. La réponse n'est pourtant pas évidente. Cette nuit, j'ai fait plusieurs frasques, et l'alcool a si bien anesthésié mon esprit que je ne me souviens plus de la plupart d'entre elles. Est-ce encore la drogue ? Je plisse les yeux quelques secondes, passe une main sous mon nez à la recherche de la trace blanche, de la liberté que j'ai longtemps inséré dans mes veines. Comme s'il avait deviné mes interrogations, le flic se lève. Ses mains sont à plat sur la table d'interrogatoire et il darde un regard insistant dans mes yeux. « La voiture dans laquelle tu dormais quand on t'a attrapé... Où est-ce que tu l'as volée ? » Je prends un air offensé. Comment peut-il penser que je volerais une voiture ? Puis, la nature revient au galop et j'ai un rire jaune. « C'est la mienne. » J'essaie de prendre une position plus confortable, un peu plus nonchalante, mais les chaines de mes menottes s'entrechoquent et m'empêchent de me mouvoir comme je le désirerais. Je sens le regard du policier sur moi, je lève mes yeux et le provoque avec un sourire en coin. On se connaît bien lui et moi. A vrai dire, si j'étais paranoïaque, je penserais qu'il passe ses journées à me suivre en attendant mon prochain faux pas. On joue au plus malin ; il me regarde attentivement, et un sourire disconvenant rejoint ses lèvres. « C'est la tienne ? Pas de trace de clés après la fouille, pourtant. » Je ris effrontément. « Ils ont pas fouillé partout. » Son regard me dissuade d'aller plus loin dans ma bravade. Alors, je tends les poignets et lui montre les menottes. « Si tu me détaches, je te montre, shérif. » Il perd patience. Cette fois, le jeu est fini. Poulet, zéro ; Rhyan, un. Il s'approche de la porte, appelle un garde et demande à ce qu'on me place en cellule. En passant, je lui adresse un clin d’œil. Bon, d'accord. Je fais le malin, mais je vais passer quelques jours en taule. Rhyan, un ; poulet, deux.

Mes lèvres parcourent doucement son visage, effleure ses joues et s'attardent indéfiniment sur sa bouche. Elle se recule légèrement, ses yeux interrogent les miens et je lui offre un sourire complice. La femme qui a sauvé ma vie. Celle qui a attrapé mon âme et qui, de toute ses forces, l'a tirée vers le haut. Plus de drogue, plus d'alcool à outrance ; juste un boulot de barman et un quotidien aussi banal que bienvenu. Le silence m'enveloppe et je me laisse bercer quelques secondes ; jusqu'à ce que les inquiétudes me reprennent. Parfois, es insécurités pourraient me bouffer tout cru. « Il faut vraiment que t'ailles dans ce coin paumé ? » Elle sourit, principalement parce qu'elle sait que, si je me montre si réticent face à la petite ville d'où elle vient, c'est parce que je n'ai jamais connu autre chose que New-York et parce que je suis pleinement et irrémédiablement amoureux de ma ville. « Folly Beach. » corrige-t-elle en effleurant le bout de mon nez avec son index. Je hausse un sourcil, ai un bref mouvement d'épaule et me reprends. « D'accord, je corrige : il faut vraiment que t'ailles dans ce coin paumé qu'est Folly Beach ? » Je suis fier de ma petite provocation, souris comme un gosse qui a fait une bêtise. Son rire se joint au mien tandis que j'attrape sa main et m'amuse avec ses doigts fins. « C'est ma ville. » fait-elle simplement, en haussant les épaules. Je comprends qu'elle n'y peut rien. C'est le destin qui l'appelle. « J'ai ce projet en tête depuis longtemps. J'aimerais essayer. » J'acquiesce en lui faisant ainsi comprendre que je suis conscient de tout cela. Puis, un nouveau sourire effleure le coin de mes lèvres. « Comment ils accueillent les ex-taulards dans le coin ? » Oui, ma décision est prise. Si elle s'en va, je pars avec elle.